Énormément de paramètres influent sur ce que l'on obtient dans la tasse. Aujourd'hui, je vais essayer de détailler les principaux facteurs qui modifient le goût du Pu Er.
1-les feuilles fraîches:
La matière première est déterminante dans la qualité d'un thé. Les feuilles fraîches peuvent provenir de théiers plus ou moins âgés, situés à des altitudes différentes (en gros de 500 à 2300m dans le Banna).
Les plus hauts théiers de Nan Nuo Shan |
Le champ de thé peut être entretenu ou laissé à l'abandon et seulement visité lors des récoltes. Les théiers peuvent être entourés d'une végétation luxuriante ou au milieu de rien. Ils peuvent pousser sur des pentes très abruptes ou sur un plateau. On peut les tailler régulièrement ou les laisser pousser librement.
Dans l'enfer vert... |
Ces paramètres ont une influence sur l'absorption de la lumière, de l'eau et des minéraux par le théier.
L'Homme fait aussi partie de l'écosystème: c'est lui qui récolte le théier. Si le thé vaut cher, il aura tendance à mettre plus de pression sur les théiers et à les récolter plus souvent. Même la crise économique a une influence sur le théier perdu au fond de la jungle.
Ce que l'on cueille sur l'arbre va bien sûr influer sur le thé: on peut récolter beaucoup de grandes feuilles ou ne prendre que les bourgeons; la longueur des tiges joue aussi sont rôle.
Vous pouvez faire une expérience avec n'importe quel thé en vrac: infusez séparément les bourgeons, les feuilles et les tiges. Cela vous aidera à comprendre ce que chaque élément ajoute à la liqueur.
Une fois les feuilles fraîches récoltées, il se passe un certain temps avant qu'elles soient manufacturées. Cela peut aller d'une poignée d'heure à une journée. Pendant que les feuilles patientent, elles meurent, elles s'oxydent.
2- La manufacture:
Faire du Pu Er cru (sheng cha) est assez simple par rapport aux autres thés. C'est ce qui fait sa force: le Pu Er reste proche de la nature, il est peu transformé. On peut respirer l'air de la montagne et manger sa terre en dégustant un Pu Er.
Bien que la transformation du Pu Er ait une influence moindre que pour les autres types de thés, elle reste tout de même très importante. La plupart des manufactures ratées sont dues à la négligence du producteur et/ou au manque d'infrastructures (serre de séchage, entrepôt).
-le sha qing peut être fait à la main dans un wok ou en machine. Un traitement à la main réussi procure un thé de meilleur qualité. La machine donne des résultats plus réguliers et des feuilles plus jolies.
-le roulage manuel donne un aspect différent à la feuille mais est long et fatiguant. Le but du roulage est de faciliter l'évaporation de l'eau contenue dans les tiges. Si les feuilles ne sont pas suffisamment roulées, le séchage est plus long et le goût du thé est altéré. Le roulage en machine est souvent préféré et n'a apparemment pas d'influence sur le goût du thé.
-la plupart du temps, on fait le sha qing le soir, après la journée de cueillette. Du coup, les feuilles, réduites, roulées mais pas encore sèches attendent sont conservées une nuit avant d'être étalées au soleil, le lendemain matin. Ce temps d'attente peut varier.
Ces feuillent vont patienter une nuit avant d'être étalées au soleil |
-Le séchage est une étape cruciale, un mauvais séchage est la cause de beaucoup de thés ratés. Il faut que le thé sèche assez rapidement pour éviter que la feuille fermente. Mais il ne faut pas que le thé sèche trop. Il faut savoir arrêter le séchage à temps. C'est une étape délicate puisque difficile à contrôler.
-les conditions de stockage dans la montagne ont elles aussi une influence sur le thé. Le thé est rarement bien stocké, souvent exposé à des odeurs fortes. Heureusement, le bon thé de printemps reste rarement plus d'une semaine dans les fermes. Dans les endroits réputés, les acheteurs sont nombreux.
3-Le vieillissement:
Sous forme de mao cha, le thé change très vite, particulièrement dans les conditions chaudes et humides du Banna. Le mao cha peut être compressé immédiatement après l'achat mais la plupart du temps, on le laisse s'aérer. Cela peut être quelques semaines, quelques mois, voire quelques années après qu'on le compresse.
En galette, le thé est plus ou moins compressé. Une compression forte ralentit le vieillissement et rendent le thé moins sensible aux odeurs extérieures. Si la galette est peu compressée, les feuilles sont plus faciles à extraire.
Les grandes manufactures choisissent souvent une compression forte. A mon avis, c'est justement pour limiter les changements dûs aux conditions de stockage. De cette façon, le thé sera moins altéré par de mauvaises conditions de stockages. Le but étant d'habituer le consommateur à un goût particulier, il faut que les galettes se ressemblent au maximum.
Si vous avez un ami buveur de thé qui a la même galette que vous et qui habite loin. Il peut être intéressant de comparer les deux même références. Les différences peuvent être surprenantes.
De même, vous pouvez extraire des feuilles d'une galette jeune, attendre un mois, puis infuser côte à côte avec des feuilles fraîchement extraites de la galette.
Simplicité, sérénité |
4- la préparation:
Chaque personne a sa méthode pour mélanger des feuilles à de l'eau chaude. Je dirais qu'il n'y a pas une bonne façon de faire, l'important, c'est qu'au final, le thé vous convienne. Certains aiment les thés bien costauds et préfèreront un temps d'infusion long tandis que d'autres enchaineront les infusions rapides. Je ne suis pas partisan de l'infusion faite à la seconde près: infuser un thé, c'est comme ressentir le rythme en musique, cela doit se faire « au feeling ». Si un chronomètre peut servir à contrôler ou à faire des expériences, il ne doit pas dicter votre dégustation. C'est toujours au coeur d'avoir le dernier mot.
用心泡茶!
Voici quelques réponses à la question: « comment classer les Pu Er ». Si on veut faire des groupes précis, on n'est pas sortis de l'auberge, et moi, je viens à peine d'y entrer. A mon sens, c'est ce qui fait la différence entre un Pu Er et un Tie Guan Yin. Quand on demande un Pu Er, on ne sait pas du tout sur quoi on va tomber. C'est un peu le thé des aventuriers.
Tu nous a plongé dans la jungle. Maintenant tu nous plonge dans la vastitude du pu'er. Espace entre la feuille sur l'arbre et la feuille dans la théière.
ReplyDeleteMerci et continue de t'enrichir des trésors du Bana
Nicolas
Bonjour Nicolas,
ReplyDeleteMerci pour les commentaires réguliers que tu postes sur mon blog.
La feuille de thé, elle en voit de toute les couleurs. On la cueille, on la réduit, on la roule et on l'asperge d'eau bouillante.
Mieux vaut rester du point de vue des humains...
Encore un superbe article, merci William. Chaque fois que j'infuse un thé, je pense à tout ce qui s'est passé avant que les feuilles aboutissent dans ma théière, en paticulier la minutie des cueilleuses aux doigts de fée, le savoir-faire de ceux qui transforment ces feuilles cueillies avec amour. Après avoir lu ton billet, j'ajouterai le terroir d'où elles viennent.
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